შუალედი - დან - მდე
 
 


Tatiana Avaliani – ტატიანა ავალიანი


MOI  ET  LA  NUIT
მე და ღამე

J'écris ces lignes et dans le ciel
        la nuit se fond et resplendit,
Le vent nocturne dans ma fenêtre
        un conte en chuchotant me dit.
L'ombre lunaire a enveloppé
        le monde entier comme une gaze,
A ma croisée les branches en fleur
        caresse le zéphir qui passe.
Saisie d' une passionnée langueur,
        d'un rang de lances, bleu et vert,
La voûte du ciel est transpercée,
        comme de rimes est ce vers.
Et, rayonnante, la lune verse
        tout son trésor qui coule et luit
En éveillant le charme rêveur
        et dans mon cœur et dans la nuit.
D'un langoureux et mâle mystère
        mon âme est devenue l'asile,
Personne ne le connaît au monde,
        même le vent au pas agile.
Qui pourrait voir la rude torture
        qui presse nuit et jour mon sein,
Qui peut connaître ce que  j'enterre
        au fond du cœur fier et hautain!
Et rien ne m'arrachera ce songe
        qui vit sublime dans mon cœur,
Ni les menaces impitoyables,
        ni les caresses, ni les fleurs.
D' une enivrante boisson la coupe,
        et de l'amour les doux soupirs,
De vive force ou furtivement,
        mon songe ne pourront ravir.
Toi seule, nuit, compagne tardive,
        étincelant de bleus reflets,
Seule tu connais mon ineffable,
        mon sombre et orgueilleux secret.
La nuit apaise ma solitude,
        mon cœur blessé et sans appui,
Nous sommes restés à deux au monde,
        la nuit et moi... moi et la nuit...



LE VENT
ქარი ქრის

Bruit du vent, cri du vent, gémissement,
Et les feuilles emportées par le vent,
Et les arbres ployés et tout nus,
Où es-tù? Où es-tù? Où es-tu?..
Neige et pluie, pluie et neige, neige et pluie,
Je ne puis te trouver, je ne puis!..
Seuls tes yeux sont toujours avec moi,
Nuit et jour, en chemin, sous mon toit.
Ciel couvert, ciel couvert et le vent,
Bruit du vent, cri du vent, gémissement...



MERI
მერი

En voile de mariée, cette nuit fatale,
Devant l'autel, baissant tes yeux meurtris,
O Méri, tu étais si triste et pâle,
Comme un coucher d' automne andolori.

Brûlant la toile des ténèbres d'église
Luisait en frémissant le feu des cierges,
Ta face était empreinte d'une surprise,
Plus terne que la cire et aussi vierge.

Les voûtes incarnates d'un jour funeste
L'odeur des roses blanches exhalaient,
Sont douloureux les pleurs des femmes qui restent
Lasses d' attendre en vain, en axilées...

Pouvais-je croire à ta promesse légère,
Quand tes paroles étaient un gémissement?
Comme je souffrais et je ne sais, ma chère,
Ce fut un jour de noce ou d'enterrement.

Qui sanglotait contre la pierre tombale
Perdant les gemmes des anneaux sans prix?
Ressemblait-elle, la pompe sépulcrale,
Au jour glorieux d'une mariée chérie?..

Où m'en allais-je sur les dalles sonores?
Je t' ai perdue, toi, qui m'étais précieuse,
Le vent dans la ruelle pleurait encore,
La pluie bruissait, têtue et malicieuse.

Couvert de mon manteau, en rêves austères,
Je me traînais, quand ta maison surgit,
Comme une brindille recourbée à terre,
Le dos voûté, au mur je m' abattis.

Là, demeurais-je longtemps, saisi d'angoisse,
Au bruit des trembles noirs la nuit fluait,
Comme la volée des branches qui s'enlacent,
Deux ailes d' aigle ensemble me couvraient.

De quoi est-ce qu'il geingnait l'essaim maligne?
Je n'en sais rien, peut-être, de nous deux...
Le sort heureux, dont moi je fus indigne,
Le vent saisit comme un flocon neigeux.

Pourquoi le scintillement, jailli d'audace,
Tu me repris, soudain, en l'éteignant?
Mon rêve, ton murmure couvrait l'espace,
Comme les ailes d' aigle au ciel planant.

Pour qui saisir les raies de l'aude fragile,
A qui chanter en écartant l'ennui?
,,Les monts de notre Courie‘‘ sont inutiles
Et on n' écoute plus ,,Moi et la Nuit‘‘

La pluie chassait les feuilles, pluie glaciale,
D'un mal mon cœur était aiguillonné,
Seul sanglotais-je dans cette nuit fatale,
Semblable au Zear de tous abandonné.



LES CHEVAUX  BLEUS
ლურჯა ცხენები

Dans un voile de brouillard,
Pourpre opaque du soir,
Le rivage de l'espoir,
Très lointain, resplendit.
Dans la plaine de misère,
Les promesses les plus chères
Sont seulement  des chimères,
Pauvre rêve interdit.

Dans la plaine de misère,
Seules les joies sont précaires,
D' une angoisse millénaire
Cuirassé est le cœur.
Tes yeux chéris s'éteignirent
Et dans l'ombre s'endormirent,
L'ombre qui dure et soupire,
Mais survit ma douleur.

Les jours conçus quelque part,
Légion de spectres noirs,
Affolés de vains espoirs
Vers la lumière fuient.
Comme en rêve délétère,
Les chevaux bleus, éphémères,
Vous emportent, vous enterrent,
Sur la rive de nuit.

Le temps vole, le temps passe,
Ni scrupules, ni angoisse,
Sa pâle couche de grâce
N'excite plus mes cris.
S'apaisèrent les souffrances,
Les fantômes de démence,
Les dernières doléances,
La clameur de l'oubli.

Au glas et bruit des cohortes,
Les chevaux bleus  vous emportent,
Dans une valse de mortes
Dansent les feux erratiques.
Ni détente reposante,
Ni verdure luxuriante,
Rien que l'ombre  chancelante
Sur ta tombe fatidique.
                                          
Qui  rendra ta noble image?
Dans la paix  du  sarcophage
Qui l'entend, ta voix si sage,
Douce comme le vêpre?
Qui, ma morte, te console,
Te réchaufe,  te  cajole?
Les chimères qui m'affolent
Dorment dans les ténèbres.
 
Mais la voûtes étincelante,
Libre de nues étouffantes,
Des rafales consumantes,
Est de chiffres désolée.
Les jours conçus quelque part,
Légion de spectres noirs,
Qui périssent sans espoir
Pour n'avoir rien crée.

Sous l'emprise du brouillard,
Comme toujours, sans retard,
L'océan pousse ses dards,
Ses tempêtes rebelles.
Au glas et bruit des cohortes,
Les chevaux bleus vous  emportent,
Les chevaux bleus vous emportent
Dans la lutte éternelle.



LE  NAVIRE  „DALAND“
გემი „დალანდი“

La chaleur de la nuit rompit mon sommeil solitaire,
Des roses luxuriantes, dans les jardins fleurissaient,
Comme un ornement des ombres s'enlaçaient sur la terre,
La mer assoupie, aux rochers se frottant, frémissait.

En paix nous voguions et „Daland“ immergeait dans les vagues
Charmé par son ombre, pareil à Narcisse lui-même...
Les sombres lauriers m'attiraient, langoureux, d'odeurs vagues,
Des lys lunatiques veillaient en extase suprême.

Je revenais au pays par une voie inconnue,
Maussade d'insomnie, d'humeur ombrageuse et sauvage,
Ma natale maison semblait si lointaine et menue,
Existait-elle?.. Peut-être n était-ce qu'un mirage?..

J'étais poursuivi d'une foule  de réminiscences:
Lénine, Moscou, le Kremlin, Pétersbourg... Dans la nuit,
Fendait l'onde „Dalande“ écumant de phosphorescence,
Des larmes d'adieu jaillirent de mon cœur ébloui.



*** Tu as treize ans et tu captives...
ცამეტი წლის ხარ

Tu as treize ans et tu captives
Le vieux poète au cœur navré.
Que treize balles me dérivent,
Et treize fois je me tuerai!..
Treize ans?  Ah, mais le temps s'envole
Et l'on dira trop tôt vingt-six,
La faux du sort les fleurs décolle
Et en courroux tranche les lys.
Comme la triste paix est brève,
Quand les beaux  jours s'en vont, s'en vont,
Mais de l'automne les âpres rêves
Plus tendres sont et plus  profonds...



CANTIQUE DES CANTIQUES
AU TEMPLE NIKORTSMINDA
ქებათა  ქება  ნიკორწმინდას

Ma lyre contre  mon cœur pressée
Je tiens - ainsi je veux,
Couvert de  gloire des ans passés,
Leurs rayons majestueux.

C'est pour des siècles qu'il a bâti,
Celui qui fit ce temple,
L'ornant du ciel du paradis,
Si grand, si bleu, si ample.

Nous sommes très humbles et très petits
Devant sa pure extase,
Une des plus fines broderies
Décore ses rosaces.

Mais qui si  fièrement l'éleva,
Qui si haut accéda?
Quelle main hardie, là, l'éleva,
Le beau Nikortsminda?

Nous possédons une richesse,
Un solennel trésor,
C'est l'harmonie, c'est la liesse,
Des pierre l'hymne d'or.

Merveilleusement il l'a sculpté,
Celui qui le sculpta,
Plein de sagesse et de pureté
Le grand Nikortsminda.

Ses voûtes profondes, ses colonnes,
Etincelant partage,
Elles stupéfient et elles étonnent
Pareilles à  un mirage.

Ne sens-tu pas  la majesté
De douze  beaux  vitraux,
Qui resplendissent de clarté,
De feux à l'astre égaux?

Qui put les faire  s'enflammer
De cet éclat d'orage
Et cette inspiration rythmée
Faire vivre dans les âges?

Je vois la ciselure de pierre,
Quel faste généreux!
Le temps d'un  diadème d'éther
L'encercla, respectueux.

Mais qui a fait cette broderie,
Et quand il la broda,
Gravant sa  flamme, ses rêveries
Dans le Nikortsminda?

Des  lignes la précision finie
Et leur plastique fidèle
Semblent un rêve qui prendrait vie
Et deviendrait réel.

Par cette richesse et précision,
Par leur grâce il dura,
Le  monument de la Nation
Le pur  Nikortsminda.

Du peuple l'incarnation sublime,
Grandeur providentielle,
Sa svelte coupole les exprime
S'élevant jusqu'au ciel.

Jusqu'aux flammes bleues du firmament
Le  peuple s'éleva
Taillée en pierre parfaitement,
Ornant Nikortsminda.

Chaque regard est  enchanté
Par ces glorieux espaces,
Les yeux de ses  griffons sculptés
Voient  tout ce qui se passe.

Des ailes, des ailes pour voler,
Ornées de ciselure,
Pour que tu prennes l'essor ailé
Et planes dans l'azure!

Tu traversas les  siècles ainsi,
Le nôtre, le nouveau,
Te garde, t'adore, magnifie
Ton art puissant et beau.

Du peuple l'art  et la maîtrise
Là, se  manifesta.
C'est pour glorifier la Géorgie
Que brille Nikortsminda!   



LA LUNE DE MTATSMINDA
მთაწმინდის მთვარე

Non, je n'ai vu jamais une lune si taciturne,
Une si béate nuit pleine d'arômes nocturne,
Dans le feuillage des branches l'azur sous l'auréole,
Les cieux si pacifiques, souverains et  sans paroles.
Semblable à un iris la pâle lune est habillé
D'une splendeur diaphane pareille à un collier,
Le Mtkvari et le vieux castel rayonnent de lumière
Sous cette lune tendre, mystérieuse et éphémère.
Tsérétéli repose ici et rêve vaguement.
Sur son tombeau qu'enlacent les roses éperdument,
Le flamboiement d'étoiles est si limpide et silencieux,
Ici, rôdait souvent Baratachvili séditieux...
Comme le cygne je m'enirai à l'heure fatale,
Seulement puisse-je chanter l'extase immémoriale,
Quand à minuit les yeux des fleurs  sont largement ouverts,
Les vagues de mon rêve défèrlent comme la mer.
L'heure de la mort cruelle change l'accent du cygne,
Ces roses éparpillées, cascades de chants insignes.
Je sais que pour une âme hantée de songes aimés
La voie de mort est une belle voie de fleurs semée,
Je sais que le poète créera une œuvre d'audace,
Alors que cette nuit si belle et lui sont face à face,
Qu'ici, près du sépulcre, je songe, avide d'amour,
Que je suis roi, roi et poète, et je mourrai un jour,
Mais dans les siècles lointains passera mon chant nocturne,
Sous cette lune bleue et souveraine et taciturne.

1979 წელი